Le secteur de la construction est la filière la plus génératrice de déchets, avec plusieurs millions de tonnes de matières traitées par an. Dans un contexte de raréfaction et de pression sur les ressources naturelles, il est crucial pour les entreprises du BTP de se tourner vers des solutions d’économie circulaire. Parmi elles, le réemploi des matériaux est une piste prometteuse en plein développement.
Comment adopter efficacement le réemploi des matériaux sur vos projets de construction ? Est-ce vraiment économique et impactant ? Vers qui se tourner pour se lancer ? On vous dit tout.
Les termes réemploi, réutilisation et recyclage renvoient à des pratiques distinctes dans le prolongement de la vie d'un matériau ou produit.
Le réemploi désigne la nouvelle utilisation d’un produit, matériau ou équipement qui n’est pas un déchet, pour un usage identique à celui pour lequel il avait été conçu.
La réutilisation concerne des éléments qui, soit après être devenus des déchets, sont employés pour un même ou un nouvel usage, soit sont détournés de leur usage initial.
Enfin, le recyclage implique un retraitement des déchets (par transformation chimique et/ou physique) pour créer à nouveau de la matière première ou un produit.
Le Code de l’environnement (art. L541-1-1) distingue ces pratiques pour mieux encadrer la gestion des ressources et des déchets.
Il est également possible de penser bas carbone dès la conception de son projet. Ainsi, on peut utiliser des matériaux bas carbone conçus pour minimiser leurs émissions de dioxyde de carbone (CO2) tout au long de leur cycle de vie, depuis leur production jusqu'à leur déconstruction.
Pour réaliser une construction bas carbone, adopter le réemploi des matériaux dans le bâtiment présente plusieurs avantages significatifs :
Réduction de l'impact carbone : réemployer un produit, un équipement ou un matériau évite la fabrication d’un ouvrage neuf, ce qui épargne un cycle complet de production. En ce sens, le réemploi réduit l’empreinte carbone d’une opération. Dans le cadre de la Réglementation Environnementale 2020 (RE 2020), les matériaux réemployés sont même considérés comme neutre en carbone !
Valorisation des matériaux usagés : un produit réemployé, c’est un déchet évité. Même si la valorisation des déchets du BTP est en constante évolution, notamment avec la mise en place progressive du système de Responsabilité Élargie du Producteur (REP), elle implique toujours une consommation d’énergie pour le transport, la transformation ou l’élimination du déchet. Même si le réemploi n’est pas réellement neutre en carbone ( à cause des étapes de transport par exemple), il incarne la valorisation la plus vertueuse possible pour un matériau.
Création d'emplois non délocalisables et soutien à l’insertion : le réemploi mobilise des compétences locales pour la récupération, le tri, le nettoyage, et la réintégration des matériaux. Ce secteur est souvent porté par des entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS), qui offrent des opportunités à des personnes en difficulté d’insertion professionnelle. Ces structures favorisent la formation et l’acquisition de compétences pour une main-d'œuvre initialement peu qualifiée, contribuant ainsi à un double impact social et environnemental.
Le bâtiment génère chaque année 46 millions de tonnes de déchets !
Un chiffre qu'il devient urgent de réduire par la généralisation du réemploi : seule pratique qui permet réellement d’éviter la production de déchets.
Les maîtres d’ouvrage jouent un rôle central dans le développement du réemploi des matériaux. Ils sont de plus en plus conscients des enjeux environnementaux, entraînant une demande croissante d’intégrer des solutions écoresponsables dans leurs projets.
En tant que donneurs d’ordres et porteurs de projets, c’est par cette volonté initiale que des pratiques vertueuses gagnent en visibilité et se démocratisent peu à peu dans le secteur du bâtiment durable.
Une fois la volonté de départ exprimée, le succès d’une démarche de réemploi repose sur l’engagement et l’expertise de nombreux acteurs spécialisés :
Les maîtres d’œuvre (architectes) : responsables de la conception, ils jouent un rôle clé en intégrant les principes de réemploi dès la planification d’un projet.
Les bureaux d’études spécialisés en réemploi : en qualité d’AMO réemploi, ces bureaux d’études analysent les possibilités de réemploi lors des opérations de démolition (diagnostic ressource) et structurent la démarche sur les nouvelles opérations. Une expertise précieuse qui permet d’optimiser la gestion des ressources.
Les bureaux de contrôle et laboratoires : ces experts valident la qualité et la conformité des matériaux réemployés pour garantir leur sécurité et leur adéquation aux normes en vigueur.
Les fournisseurs de matériaux de réemploi : ils sélectionnent, récupèrent et reconditionnent des matériaux avec soin pour leur donner une seconde vie sur le marché. Un travail de logistique indispensable pour la réussite de la démarche.
Les entreprises de travaux : elles adaptent leurs méthodes de travail pour intégrer les exigences inhérentes à la démarche de réemploi : dépose sélective et soignée des matériaux, puis mise en œuvre dans de nouveaux projets.
Créé en 2020 par une communauté de maîtres d’ouvrage, le Booster du réemploi est un collectif d'acteurs du bâtiment qui vise à massifier et accélérer le recours aux matériaux de construction issus du réemploi en France.
Son objectif est de réduire de 20 à 30 % l'impact carbone du secteur du BTP en généralisant cette pratique et en adoptant une gestion plus responsable des ressources.
Léon Grosse est la première entreprise générale à avoir rejoint le Booster du réemploi en 2022.
Un engagement qui a permis de réduire l’impact environnemental de plusieurs références, dont la rénovation de l’Université Paris Dauphine et le projet immobilier « 8ème chemin » à Bron (69).
Bien que la pratique du réemploi des matériaux présente de nombreux avantages théoriques, plusieurs freins subsistent encore, empêchant un déploiement à grande échelle :
Perception de qualité et de sécurité : les clients et maîtres d'ouvrage sont parfois réticents à utiliser des matériaux réemployés par crainte de défauts ou de risques pour la sécurité de leur site.
Coût initial et logistique : le stockage, le tri, et le nettoyage des éléments réemployés nécessitent des investissements et une organisation qui peuvent décourager certains projets.
Conception adaptée : l’utilisation de matériaux réemployés nécessite une approche différente dans la définition des projets. Il faut par exemple adapter le rendu finalles plans en fonction des matériaux disponibles, prévoir des étapes de validation esthétique ou confirmer la qualité des matériaux réemployés.
Disponibilité des gisements : actuellement, il est difficile de garantir la disponibilité de matériaux de réemploi en quantité suffisante pour répondre aux besoins d'un projet. Certains éléments, comme les parquets, peuvent être particulièrement limités, ce qui freine l’intégration de solutions de réemploi à grande échelle.
Pour résumer, le réemploi des matériaux de construction demande une approche flexible et un réel engagement de toutes les parties prenantes pour surmonter les défis liés à la qualité et à la logistique.
L'Institut français pour la performance du bâtiment (IFPEB) a mené une étude pour évaluer la viabilité économique du réemploi dans la construction. Les résultats de cet examen (Équation économique du réemploi dans le bâtiment, Novembre 2023) sont plutôt nuancés. Ils démontrent que le réemploi est effectivement un levier efficace pour décarboner les bâtiments, mais il peut parfois entraîner des surcoûts selon le matériau utilisé.
En effet, pour réutiliser un ouvrage d'un site à un autre, il faut suivre le cycle suivant :
Pour minimiser les surcoûts, l’IFPEB conseille d’optimiser les temps de stockage et de choisir judicieusement les matériaux à réemployer. L’anticipation et la planification jouent un rôle clé pour intégrer efficacement (et économiquement) le réemploi dans les projets de construction.
Notons que le réemploi de matériaux in situ dans les opérations de réhabilitation permet d'éviter la plupart des étapes citées précédemment, en particulier les phases de transport.
Vous êtes sensibles à l'impact environnemental de votre activité et souhaitez adopter le réemploi sur vos chantiers ? Voici quelques conseils pratiques :
Commencez par un diagnostic des ressources disponibles : avant de démarrer un projet de réhabilitation ou de démolition, évaluez les matériaux qui peuvent être réemployés. Pour identifier ces ressources, un diagnostic PEMD (produits, équipements, matériaux, déchets) est obligatoire dans les opérations de rénovation ou de démolition de plus de 1000 m². Toutefois, ce diagnostic peut parfois manquer de précision en matière de réemploi, orienter vers des solutions inadaptées ou mésestimer la qualité du gisement. Pour une vision plus précise, un diagnostic « ressource » peut être réalisé. Dans le contexte de constructions neuves, un bureau d’étude spécialisé dans le réemploi peut vous aider à fixer des objectifs réalistes d’intégration de matériaux de récupération, issus d’un approvisionnement extérieur.
Collaborez avec des professionnels spécialisés : privilégiez le contact avec des professionnels habitués au processus spécifique du réemploi (architectes, entreprises, associations ou collectifs d'entreprises). Ces professionnels pourront vous guider efficacement et vous orienter vers les bons prestataires tout au long de votre projet.
Anticipez les besoins logistiques : le stockage et le transport des matériaux réemployés doivent être planifiés au plus tôt pour éviter des coûts supplémentaires et/ou des retards de livraison sur chantier.
Formez vos équipes : assurez-vous que tous les intervenants comprennent les enjeux et les bénéfices du réemploi. Une formation adéquate peut lever les réticences, et encourager l’adoption de cette pratique.
Le groupe Léon Grosse s’engage à réduire significativement l’impact environnemental de son activité. C’est pourquoi nous proposons chaque jour à nos clients un panel de solutions innovantes et bas carbone dans la concrétisation de leurs projets.
Jean nous présente ici "Le Passage", modèle de construction bas carbone à Montreuil où le réemploi a été essentiel pour atteindre les objectifs.
Vous souhaitez être accompagnés pour mettre réellement en pratique vos engagements environnementaux ? Contactez-nous pour nous parler de vos besoins !